Mise en scène
Qui est Agnès?
Arnolphe croit qu'Agnès est idiote parce qu'elle est ignorante, mais justement sa simplicité et sa bonne foi ne se laissent arrêter par aucune convenance et sa spontanéité est charmante quand elle n'est pas bouleversante. C'est la transparence de ses sentiments qui lui gagne véritablement le coeur d'Horace, qui au début ne pensait peut-être qu'à s'amuser avec elle. La lettre d'amour qu'elle lui écrit est une des plus belles qu'on peut imaginer.
Agnès est la plus innocente des jeunes filles, un cas d'école si l'on peut dire, puisqu'elle a été élevée dans un couvent, où Arnolphe avait donné comme instruction qu'on "la rende idiote autant qu'il se pourrait".
Mais "l'amour est un grand maître...
D'un avare à l'instant il fait un libéral,
Un vaillant d'un poltron, un civil d'un brutal
Il rend agile à tout l'âme la plus pesante
Et donne de l'esprit à la plus innocente." (Acte III, scène 4)
Les répliques d'Agnès font rire parce que son innocence contraste avec toutes les arrières pensées d'Arnolphe, parce qu'elle triomphe de tous les pièges où l'on veut la faire tomber.
Agnès se révèle, grâce à l'amour qu'elle éprouve pour Horace, et c'est en cela que l'amour est une école pour les femmes. Elle devient une personne indépendante qui a confiance en son propre jugement: "Je n'entends point de mal dans tout ce que j'ai fait" (Acte V, scène 4)
Que veut Arnolphe?
Il y a une confusion sur les intentions d'Arnolphe, qui prétend vouloir prendre pour femme une "idiote", un être humain malléable.
"Et c'est assez pour elle a vous en bien parler
De savoir prier Dieu, m'aimer, coudre et filer."(...)
"Tant, que j'aimerais mieux une laide bien sotte
Qu'une femme fort belle avec beaucoup d'esprit." (Acte I, scène 1)
Mais c'est justement parce qu'Agnès lui échappe, lui résiste, fait preuve d'audace, de courage et d'intelligence, parce qu'elle prend des risques insensés pour son âge et sa condition, qu'Arnolphe aime Agnès d'un amour violent et incompréhensible pour lui. Agnès n'est pas du tout cet objet imbécile "qui ne sait pas ce que c'est qu'une rime" qu'il se vante d'avoir à sa disposition. Alors, il va faire tout le contraire de ce qu'il a décidé:
"Elle n'a ni parent, ni support, ni richesse;
Elle trahit mes soins, ma bonté, ma tendresse,
Et cependant je l'aime après ce lâche tour
Jusqu'à ne me pouvoir passer de cet amour."
(Acte III, scène 5)
Arnolphe personnifie l'amour ignorant, celui qui associe la morale, la religion, l'égoïsme et la tyrannie pour en faire un mélange détonnant et terrifiant. On retrouve chez les intégristes d'aujourd'hui les mêmes amalgames que chez Arnolphe, parce que l'ignorance alliée à la loi du plus fort donnent à peu près les mêmes comportements à trois siècles de distance. En prônant une morale violente qui sert ses intérêts les plus immédiats, Arnolphe déconsidère aux yeux du public les valeurs qu'il prétend défendre. Tartuffe n'est pas loin.
Le rire de Molière
Le rire de Molière n'est pas superficiel. Arnolphe est montré avec toutes ses souffrances, ses doutes et ses tourments. Comment cet homme en est-il arrivé là? Tout simplement, il ne voulait pas souffrir, il ne voulait pas courir le risque d'être trompé. Il a mis son intelligence et son énergie au service d'une cause perdue d'avance: un bonheur conjugal garanti par l'inégalité des conditions, par la domination d'un sexe sur l'autre:
"Bien qu'on soit deux moitié de la société
Ces deux moitiés pourtant n'ont point d'égalité
L'une est moitié suprême et l'autre subalterne
L'une en tout est soumise à l'autre qui gouverne..."
(Acte III scène 2)
Toute les déconvenues d'Arnolphe font rire, il est trahi par Agnès, qui en faisant semblant de lui obéir communique avec son amoureux, puis il est trahi par les circonstances. Le rire trouve sa source dans l'intime conviction du spectateur qui perçoit qu'Arnolphe se trahi lui-même en permanence parce qu'il est toujours à côté de ses sentiments.
L'ECOLE DES FEMMES de Molière
A l’école de l’Amour, Agnès démontre qu’il est dangereux de sous-estimer les jeunes filles.
Arnolphe est un homme d’âge mûr qui aimerait jouir du bonheur conjugal, mais il est hanté par la crainte d’être trompé par une femme. Aussi a-t-il décidé d’épouser sa pupille Agnès, élevée dans l’ignorance. Horace, fils d’Oronte (un autre ami d’Arnolphe), est tombé amoureux d’Agnès au premier regard ; il se confie à Arnolphe dont il ignore le rôle de tuteur, lui avouant qu’il a fait sa cour.
La presse en parle
Arnolphe, une interprétation parfaite, Agnès une exquise féminité.
Ouest France
On rit énormément
L'école des femmes, c'est celle où l'on apprend que l'humain, la passion et le rire l'emporteront toujours sur la pédanterie. Une leçon illustrée avec bonheur par le travail même de la Compagnie Roumanoff. Molière s'amuse, en virtuose, à multiplier les registres de langue, du parler frustre et imagé des paysans qui gardent Agnès, à l'imprudente insolence du jeune Horace, en passant par le jargon de l'avocat et le verbe rigide et définitif d'Arnolphe, qui perdra bientôt son assurance. Cette langue si particulière, les acteurs de Colette Roumanoff s'y mesurent mois après mois depuis des années. D'emblée, cette familiarité avec les mots du grand siècle est évidente. Et si le texte apparaît si moderne, c'est grâce au plaisir réel et communicatif que les comédiens prennent à le faire chanter.
Theatre On Line